L’obscure clarté de l’air, David Vann

obscureclartédel'air

(éditions Gallmeister, octobre 2017, 262 pages, ISBN : 9782351781258)

« Née pour détruire les rois, née pour remodeler le monde, née pour horrifier et briser et recréer, née pour endurer et n’être jamais effacée. Hécate-Médée, plus qu’une déesse et plus qu’une femme, désormais vivante, aux temps des origines ”. Ainsi est Médée, femme libre et enchanteresse, qui bravera tous les interdits pour maîtriser son destin. Magicienne impitoyable assoiffée de pouvoir ou princesse amoureuse trahie par son mari Jason ? Animée par un insatiable désir de vengeance, Médée est l’incarnation même, dans la littérature occidentale, de la prise de conscience de soi, de ses actes et de sa responsabilité.

C’est une réécriture du mythe de Médée que nos propose ici David Vann. J’avais pour ma part découvert l’auteur avec Sukkwan Island, que j’avais beaucoup apprécié.

Changement de ton et de décor ici donc pour cette réécriture de la vie de Médée; Pour rappel, Médée, dans la mythologie grecque, est princesse de Colchide. Elle tombe amoureuse de Jason lorsque celui-ci se présente afin de dérober la toison d’or au roi Eétes, père de Médée. Celle-ci va aider Jason dans sa quête avant de fuir avec lui, en assassinant son propre frère dont elle jettera les morceaux à la mer afin de retarder le roi, son père, lancé à leur poursuite. Elle connaîtra ensuite une vie d’esclave aux côtés de Jason et de leurs deux enfants avant d’assassiner à nouveau et de fuir. Elle sera finalement trahie par Jason et tuera leurs propres enfants.

C’est à cet épisode précis de la vie de Médée que s’est attaché David Vann en faisant le choix d’en retirer certains événements « surnaturels », les remplaçant par la ruse de la jeune femme, lui laissant malgré tout sa réputation de sorcière crainte et redoutée.

Cest donc davantage au destin incroyable de cette femme que nous assistons. Médée est celle qui dès le début fait des sacrifices pour celui qu’elle aime et les promesses de grandeur que celui-ci lui a faite.

Effrayante et sans scrupule, elle est pourtant une femme qui ne plie pas devant les hommes et encore moi devant les rois. C’est elle qui questionne aussi ce besoin masculin de cruauté gratuite, de tortures et de guerres. Ayant pour modèle la reine-pharaon Hatshepsout, Médée rêve de devenir reine, d’être crainte mais pourtant d’être juste et benfaitrice, apportant la paix aux peuples, et méprisant les rois n’ayant pour eux que leur lignée royale.

L’écriture de David Vann se fait ici très poétique , tout en délicatesse et en finesse. Il retrace cette épisode de la vie de Médée avec une empathie telle que l’on ne peut que ressentir tous les sacrifices et toutes les souffrances qu’elle a dû affronter. Ces sacrifices qui n’ont par ailleurs jamais été reconnus par les hommes, qui n’y voit que leur propre réussite, y compris Jason, qui finira par la trahir alors qu’elle attend un geste de lui jusqu’à la toute fin. Est donc pregnante aussi, cette solitude à laquelle elle a dû faire face, redoutée tant par les hommes que par les femmes.

C’est une lecture que j’ai dégustée tant l’écriture est travaillée et ciselée mais aussi raffinée. J’ai vraiment beaucoup aimé ce livre pour son côté poétique malgré le destin tragique de Médée pour qui je n’ai pu que me prendre d’affection.

G.

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